2.1 Comment créer son syndicat ?
2.1.3 Les conditions de forme
Le code du Travail n’impose que des conditions de forme très simples, car l'article L. 2131-3 édicte que : "Les fondateurs de tout syndicat professionnel déposent les statuts et les noms de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de l’administration ou de la direction" et ne prévoit aucune approbation préalable d’une autorité publique, puisque l'article L. 2131-2 stipule que :
"Les syndicats ou associations professionnelles ... peuvent se constituer librement".
2.1.3.a - Les statuts
Les fondateurs d’un syndicat disposent d’une grande liberté pour l’élaboration des statuts, car il n’existe pas de statuts types, imposés ou recommandés par l’administration.
L'élaboration des statuts
Afin d’assurer la bonne marche de l’organisation, il semble cependant nécessaire d’y faire figurer un certain nombre d’informations :
- Le nom du syndicat, son siège social, son objet, son ressort territorial, la branche d’activité professionnelle à laquelle appartiennent ses membres et les catégories de salariés intéressées,
- L’admission, la démission ou l’exclusion de ses membres,
- Son organisation interne et le pouvoir des assemblées, notamment quant à la modification des statuts, à la dissolution du syndicat et au sort des biens.
Ce sont là les grandes lignes directrices qui doivent prévaloir lors de l’élaboration des statuts ; mais d’autres dispositions peuvent y trouver place, telle que l’affiliation à une autre organisation.
Elles résultent de la circulaire ministérielle n° 45/68 du 25 novembre 1968, du ministre chargé du Travail, qui demandait alors aux préfets "d’inviter les dirigeants des organisations syndicales à mettre les clauses de leurs statuts en harmonie avec les dispositions légales ou réglementaires".
Les rectifications devant être apportées, étaient le plus souvent relatives aux points évoqués supra. Mais à présent, parallèlement au contrôle judiciaire exercé par les procureurs de la République, les statuts font aussi l'objet d'un contrôle administratif par les préfets, qui sont invités à veiller aux respects des prescriptions de cette circulaire.
Pour les unions, "leurs statuts déterminent les règles selon lesquelles les syndicats adhérents à l’union sont représentés dans le conseil d’administration et dans les assemblées générales" (article L. 2133-2 du code du Travail).
L'adoption des statuts
Après leur élaboration, les statuts sont établis sous seing privé, sur papier libre. Mais, lorsque des apports immobiliers sont faits au syndicat au moment de sa création, et que les clauses les concernant figurent dans les statuts, ceux-ci devront être établis par un notaire et être enregistrés à la conservation des hypothèques.
Les statuts doivent être adoptés par "l’assemblée constitutive" qui n’est soumise à aucune obligation particulière.
Cependant, les règles traditionnelles relatives à la tenue des assemblées doivent être respectées, ne serait-ce que pour constituer la preuve de la tenue de ladite assemblée. Aussi, un procès-verbal de la réunion devra-t-il être dressé.
2.1.3.b - Le règlement intérieur
Les statuts peuvent être complétés par un règlement intérieur, qui règle les points de détail sur lesquels les statuts ne se sont pas prononcés.
Cette méthode a l’avantage de permettre la rédaction et l’adoption de statuts relativement brefs, ce qui évite d’avoir à les modifier fréquemment, et permet d’attendre quelque temps avant de formaliser les solutions pratiques, relatives à la gestion courante du syndicat.
Mais, dans la hiérarchie des normes juridiques, le règlement intérieur est un acte de droit privé, subordonné aux statuts, c’est-à-dire qu’il peut les compléter, mais qu’il ne peut en aucun cas les modifier, ou les contredire.
A l’égard des membres du syndicat, le règlement intérieur a la même force que les statuts : les adhérents doivent le respecter, il leur est opposable, à la condition que sa régularité ne soit pas contestée.
A l’égard des tiers, ils peuvent s’en prévaloir dans une action en responsabilité contre le syndicat, s’ils peuvent se fonder sur une violation du règlement intérieur leur ayant provoqué un préjudice.
2.1.3.c - Les administrateurs
Par administrateurs, il faut entendre tous ceux qui, faisant partie du syndicat, ont reçu des pouvoirs de gestion de cet organisme.
Mais la loi n’impose aucune terminologie. Aussi, les titres varient d’un syndicat à un autre. Si le titre de président existe dans nombre de syndicats, notamment patronaux, pour désigner le responsable de l’organisation, dans beaucoup d’autres, et plus spécialement dans les syndicats de fonctionnaires, d’employés et d’ouvriers, l’usage montre que le personnage le plus important porte souvent le titre de secrétaire général ou éventuellement de secrétaire syndical.
La question de la nationalité
Depuis la loi du 11 juillet 1975 la nationalité française n’est plus obligatoire et aujourd'hui l'article L. 2131-5, alinéa 2 stipule que :
"tout ressortissant étranger, âgé de dix huit ans accomplis adhérent à un syndicat peut accéder aux fonctions d’administration ou de direction de ce syndicat".
La désignation des administrateurs
Quelle que soit leur appellation ou leur fonction, pour être régulièrement désigné, un administrateur doit remplir les conditions suivantes (art. L. 2131-5) :
- Etre membre du syndicat : il y a là une différence avec le droit des associations.
- Jouir de ses droits civiques : cette mesure exclut de fait les français mineurs, qui ne jouissent pas des droits civiques.
Mais il en va de même pour les étrangers, puisque l’article L. 2131-5, alinéa 2 impose qu’ils aient "dix-huit ans accomplis", quel que soit l’âge de la majorité dans leur pays. - N'être l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à ses droits civiques : il s’agit de celles prévues aux articles L. 5 et L. 6 du code électoral. Cette disposition permettait d’atteindre des syndicalistes frappés de peines légères.
Aujourd'hui, les nouvelles dispositions du code Pénal prévoient (article 132-21) que l’interdiction des droits civiques "ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit d’une condamnation pénale".
2.1.3.d - Le dépôt des statuts
Le dépôt des statuts d'un syndicat doit être effectué conformément aux dispositions de l'article R. 2131-1 : "... à la mairie de la localité où le syndicat est établi. Le maire communique ces statuts au procureur de la République".
Dans la capitale, il est effectué à l’annexe de la mairie de Paris, Bureau des élections et du recensement de la population - cellule des syndicats professionnels - 2, rue Lobau - 75196 Paris RP.
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article L. 2131-3 alinéa 2, ce dépôt devra être : "renouvelé en cas de changement de la direction ou des statuts."
Enfin, si le transfert du siège du syndicat dans une autre commune est décidé, un nouveau dépôt des statuts devra être effectué à la mairie de cette nouvelle commune.
* Trois exceptions cependant
Dans les départements de la Moselle (57), du Bas-Rhin (67) et du Haut-Rhin (68), le dépôt des statuts doit être effectué au Tribunal de Grande Instance.
Les justificatifs à fournir
Pour accomplir cette formalité il suffit généralement de quatre exemplaires, certifiés conformes par deux administrateurs du syndicat, des pièces énumérées ci-après :
- Les statuts, sur papier libre,
- La liste des administrateurs du syndicat, comportant leurs noms (nom de jeune fille pour les femmes mariées), prénoms, adresse, date et lieu de naissance, nationalité et fonction exercée dans l’organisation,
- Le procès-verbal de délibération de l’assemblée constitutive,
- La liste des syndicats adhérant à l’union, avec leur nom et leur siège social (art. L. 2133-2 alinéa 2) lorsqu’il s’agit de la création d’une union. (Y rajouter celle des sections de syndicats nationaux pour les unions territoriales).
La preuve du dépôt
Après l’accomplissement de la formalité du dépôt, un récépissé est délivré au déposant, en même temps qu’un numéro d’enregistrement du syndicat.
Ce récépissé apporte la preuve que la formalité du dépôt a été accomplie.
Le dépôt des statuts, ainsi que le nom des administrateurs et la délivrance du récépissé seront mentionnés sur le registre des syndicats. (Dans la région parisienne, un numéro d’enregistrement supplémentaire est souvent octroyé par la préfecture du département, direction de la réglementation).
Le dépôt est la seule mesure de publicité requise, car il n’y a pas de publicité au journal officiel, analogue à celle qui est imposée aux associations déclarées.
Par ailleurs, la loi ne contenant aucune disposition quant à la communication aux tiers, le Conseil d’État (5 juillet 1912) a estimé que le dépôt était une forme de publicité, et que "le public était en droit de demander cette même communication" tant des statuts que du nom des administrateurs du syndicat.
Le délai
Il n’existe pas de délai fixé par la loi pour le dépôt des statuts.
Toutefois cette formalité substantielle conditionne l’existence officielle du syndicat (Cass. soc. 7 mai 1987).
Aussi, dès que les statuts sont approuvés, et les administrateurs désignés, les fondateurs ont intérêt à accomplir cette formalité, qui peut leur faciliter l’obtention de certains avantages et leur permettra d’entreprendre les démarches nécessaires à l’ouverture d’un compte bancaire, ce qui les aidera à recouvrer les cotisations syndicales.
Les administrateurs, ayant omis d’effectuer ce dépôt, encourent une amende prévue pour les contraventions de la 5e classe (1 500 € au plus, et jusqu'à 3 000 € en cas de récidive : article R. 2146-2).
2.1.3.e - La sanction des illégalités
Si l’un des exemplaires des statuts est transmis au préfet du département (pour vérification de l’application des prescriptions de la circulaire de 1968) un autre exemplaire est communiqué par le maire au procureur de la République, qui vérifie que les conditions légales ont bien été remplies (art. R. 2131-1).
Dans la négative, il peut faire sanctionner les illégalités constatées.
Les sanctions pénales
L’article L. 2136-1 alinéa 1 du code du Travail stipule que :
"Le fait pour un directeur ou un administrateur d'un syndicat professionnel ou d'une union de syndicats de méconnaître les dispositions de l'article L. 2131-1, relatives à l'objet des syndicats, est puni d'une amende de 3 750 euros."
Ce même article, en son alinéa 3, précise aussi que :
"Toute fausse déclaration relative aux statuts et aux noms et qualités des directeurs ou administrateurs est punie d'une amende de 3 750 euros."
Enfin, l’article R. 2146-2 du code du Travail stipule que :
"Le fait pour un directeur ou un administrateur d'un syndicat ou d'une union de syndicats de ne pas déposer les statuts dans les conditions prévues au premier alinéa des articles L. 2131-3 et R. 2131-1, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. [1 500 € au plus, et jusqu'à 3 000 € si récidive] Le fait de ne pas renouveler le dépôt en cas de changement de la direction des statuts, en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa du même article, est puni de la même peine."
La dissolution judiciaire
En application des dispositions de l'alinéa 2 de l’article L. 2136-1 précité :
"La dissolution du syndicat ou de l'union de syndicats peut en outre être prononcée à la diligence du procureur de la République."
Cette décision de justice ne peut intervenir qu’à titre de sanction, pour infraction aux règles qui doivent prévaloir dans la constitution et le fonctionnement d’un syndicat.
La juridiction compétente en la matière est le tribunal correctionnel, et la dissolution ne peut être prononcée d’office, mais seulement lorsqu’elle a été requise par le ministère public.
Les autres sanctions
Des sanctions autres que les sanctions pénales, ou la dissolution judiciaire du syndicat, peuvent résulter de la violation des dispositions du code du Travail. Il s’agit :
- De la non jouissance des droits reconnus aux syndicats.
Cette expression résulte de la jurisprudence (Cass. crim. 18 octobre 1977), et conduit souvent à l’absence de la personnalité civile du syndicat en cas de non-dépôt de ses statuts : formalité substantielle à son existence (Cass. soc. 7 mai 1987).
Cependant, un syndicat ne saurait se prévaloir de l’inobservation de cette formalité pour se soustraire à ses obligations, pour "exercice abusif du droit de grève" (Cass. soc. 21 juillet 1986). - De la nullité des conventions violant la liberté syndicale.
Prévue initialement par la loi du 27 avril 1956 et codifiée aujourd'hui par l'article L. 2141-5 du code du Travail, cette mesure a pour but de mettre un terme au monopole de l’embauche, en interdisant à l'employeur "de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail".
Ces dispositions sont d'ordre public (art. L. 2141-8) et "toute mesure prise par l'employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à des dommages et intérêts."