2.1 Comment créer son syndicat ?
2.1.2 Les conditions de fond
La loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884 stipulait, en son article 3 :
"Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles".
Ainsi, durant près d’un siècle l’objet du syndicat a été uniquement professionnel, parce que le législateur de 1884 se méfiait de la puissance des syndicats et redoutait surtout "l'Internationale" des travailleurs.
2.1.2.a - L'objet du syndicat
La rédaction, introduite par la loi du 28 octobre 1982, a depuis considérablement élargi ce champ, puisque l’article L. 411-1 du code du Travail édictait que :
"Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes visées par leurs statuts."
Mais en maintenant dans la rédaction, après des débats vifs et passionnés, le terme "exclusivement", les parlementaires avaient voulu éviter "le risque de dilution de la responsabilité des syndicats et de leur champ d’application", champ qui restait donc exclusivement professionnel : la loi n’autorisant ni la prise en considération des intérêts politiques, que l’on aurait pu croire inclus dans les intérêts moraux, ni celle des intérêts commerciaux, et religieux (puisqu'il a été jugé qu’un syndicat ne saurait organiser des campagnes électorales en vue d’élections politiques).
Cependant, outre les intérêts collectifs de la profession, les syndicats pouvaient à présent défendre les intérêts professionnels individuels de leurs mandants, ainsi que leurs intérêts moraux, et œuvrer pour la défense des droits (droit à l’emploi, droit de grève, etc.).
La fonction de revendication, l’un des aspects essentiels de l’action des organisations syndicales, acquérait ainsi une plus grande plénitude et une importante valorisation.
Aujourd'hui, l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 a maintenu ces dispositions en vigueur et l'article L. 2131-1 du code du Travail stipule que :
"Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts."
2.1.2.b - La liberté syndicale
Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par la Constitution du 4 octobre 1958, édicte en son alinéa 6 :
"Tout homme peut défendre ses droits et intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix."
D'autre part, l’Organisation Internationale du Travail (OIT), dans sa Convention n° 87 du 9 juillet 1948 ratifiée par la France le 28 juin 1952, a spécifié à l’article 2 que :
"Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières."
et à l'article 3 que :
"Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action. Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal."
Enfin, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950 et ratifiée par la France en 1989, stipule en son article 11 que :
"Toute personne a droit... de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts."
même si elle prévoit par ailleurs que l’exercice de ces droits peut faire l’objet de restrictions.
Aussi, le code du Travail en son article L. 2131-2, 1er alinéa, prévoit actuellement que :
"Les syndicats ou associations professionnels de personnes... peuvent se constituer librement."
La liberté à l'égard de l'État
Les syndicats professionnels ayant la possibilité de se constituer librement, l’État n’intervient en aucune façon dans leur constitution.
Mais, le syndicat étant un groupement professionnel, le législateur impose à ceux qui désirent créer un syndicat, d’être unis par un lien professionnel. Cette condition remplie, il existe alors une grande liberté quant aux personnes pouvant constituer un syndicat, au cadre territorial de celui-ci, à l’élaboration de ses statuts, ou à la désignation de ses administrateurs.
Ce principe de liberté à l’égard de l’État, est à l’origine de la création d’un grand nombre de syndicats, et a soulevé le problème de la représentativité syndicale.
La liberté à l'égard des personnes
Outre le fait que le Préambule de la Constitution de 1946 ne prévoit pas que la loi puisse apporter de restrictions au droit syndical, il énonce le principe de la liberté d'adhésion et de choix.
La liberté à l'égard des personnes
Outre le fait que le Préambule de la Constitution de 1946 ne prévoit pas que la loi puisse apporter de restrictions au droit syndical, il énonce le principe de la liberté d'adhésion et de choix.
- La liberté d'adhésion et de choix
Si la liberté d'adhérer au syndicat de son choix est reconnue à chaque membre d’une profession par la Constitution, l'article L. 2141-1 du code du Travail est venu en préciser la portée en stipulant que :
"Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l'un des motifs visés à l'article L. 1132-1", article qui traite de la non-discrimination.
Ce principe de liberté d’adhésion, souvent menacé par l’employeur, protège le travailleur, aussi bien lors de son embauche que pendant la durée de son contrat, contre toutes les discriminations dont il pourrait être victime en raison de son affiliation syndicale (Cass. civ. 27 mars 1952 ; Cass. crim. 12 mai 1981 ; Cass. soc. 21 avril 1983).
Mais la preuve, que la décision de l’employeur a été dictée par l’appartenance syndicale du salarié, est parfois délicate à apporter.
Les sanctions, concernant le non-respect de ces règles, sont la réintégration du salarié, et le paiement de dommages-intérêts par l’employeur.
Aussi, une conséquence de la liberté d'adhésion est que le salarié n'est en aucun cas obligé de révéler son affiliation syndicale, sauf s'il souhaite bénéficier des droits attachés à cette affiliation.
C’est pourquoi les cotisations syndicales ne sont pas recouvrées par prélèvement direct, opéré par l’employeur sur le salaire. L’article L. 2141-6 du code du Travail énonce en effet : "Il est interdit à l'employeur de prélever les cotisations syndicales sur les salaires de son personnel et de les payer au lieu et place de celui-ci."
Enfin, il convient de rappeler que, outre le fait que cette liberté de choix débouche sur le pluralisme syndical, elle ouvre aussi la possibilité d’adhésion simultanée à plusieurs syndicats, à la condition expresse cependant que les statuts d’une organisation syndicale n’interdisent pas cette double affiliation, car en droit, rien ne l’interdit (Cass. soc. 9 mai 1968).
- La liberté de retrait
C'est un autre aspect de la liberté syndicale, en opposition avec la doctrine des corporations en France, ou avec la législation en vigueur dans certains pays, où l'adhésion à un syndicat est obligatoire.
Elle résulte à la fois du Préambule de la Constitution de 1946, édictant que "Tout homme peut ... adhérer au syndicat de son choix" et du 1er alinéa de l’article L. 2141-3 du code du Travail qui stipule que : "Tout membre d’un syndicat professionnel peut s’en retirer à tout instant même en présence d'une clause contraire".
Mais, le second alinéa de cet article prévoit aussi que dans ce cas, "Le syndicat peut réclamer la cotisation correspondant aux six mois qui suivent le retrait d’adhésion."
2.1.2.c - Personnes pouvant se syndiquer
Seules des "personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes, concourant à l’établissement de produits déterminés" peuvent "se constituer librement" en syndicat ou en association professionnelle (article L. 2132-2 du CT).
La nécessité d'un lien professionnel
Plusieurs conditions sont posées par l’article L. 2132-2 du code du Travail, puisqu'il doit exister entre les membres d’un même syndicat, une identité, similitude ou connexité des professions, c’est-à-dire un véritable lien professionnel :
- Les professions peuvent être identiques
Cela est le cas lorsqu’il y a identité absolue des activités professionnelles (boulangers, bouchers, menuisiers etc.), donc identité des statuts (contrôleurs du trésor, officiers de police, inspecteurs du travail, etc.). Ce sont alors des syndicats de métiers ; mais l’identité absolue n’est pas obligatoire. - Les professions peuvent être similaires
Il faut entendre par là des professions qui traitent les mêmes matières ou qui utilisent les mêmes procédés techniques. La nature du travail est alors similaire (bouchers et charcutiers, boulangers et pâtissiers, menuisiers et ébénistes, instituteurs et professeurs, etc.). - Les professions peuvent être connexes
C’est-à-dire qu’elles doivent concourir à la fabrication d’un produit déterminé (livre, bâtiment, etc.) ou relevant d’une même industrie (métallurgie, automobile, chimie, etc.) ou, par analogie, d’un même secteur ministériel (douanes, impôts, pénitentiaire, etc.).
En pratique, la nécessité du lien professionnel, qui doit exister entre les membres d’un même syndicat, ne pose guère de problèmes.
Cependant, la notion, même élargie, de ce lien professionnel, ne permet pas de dépasser certaines limites. Ainsi, la Cour de cassation a refusé que des commerçants d’une même ville, vendant des marchandises de nature très différente, puissent constituer un syndicat, bien que l’on aurait pu considérer qu’ils avaient un intérêt commun à défendre : le commerce de détail (Cass. soc. 5 juillet 1956). Car les intérêts interprofessionnels ne peuvent être défendus que par le biais des unions de syndicats.
Exceptée cette nécessité, aucune condition touchant à l’état des personnes n’est requise, depuis la loi du 28 octobre 1982. Aujourd'hui, l'article L. 2141-2 du code du Travail édicte que :
"Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l'un des motifs visés à l'article L. 1132-1"
qui traite de la discrimination.
Dès lors, les apprentis, les salariés, les stagiaires, les titulaires, les exploitants agricoles, les jeunes qui bénéficient de contrats de formation ou de réinsertion peuvent se syndiquer. Il en est de même du mineur de seize ans qui peut adhérer à un syndicat, sans avoir besoin d’un quelconque accord préalable de son représentant légal.
Enfin, les dispositions de la loi du 28 octobre 1982, reprises par l'article L. 2141-2 du code du Travail ont permis de tenir compte de la situation des anciens professionnels (retraités, pensionnés, chômeurs) puisque :
"Les personnes qui ont cessé d'exercer leur activité professionnelle peuvent adhérer ou continuer à adhérer à un syndicat professionnel de leur choix".
* Une exception à cette nécessité
Elle a été introduite par la loi du 1er avril 1957, et constitue à présent le second alinéa de l’article L. 2131-2 du code du Travail : "Par dérogation à ces dispositions, les particuliers occupant des employés de maison peuvent se grouper en syndicat pour la défense des intérêts qu'ils ont en commun en tant qu'employeur de ces salariés".
Cette dérogation a permis la constitution d’organisations patronales, habilitées à discuter des conventions collectives des gens de maison, avec les organisations ouvrières qui les représentaient.
Les cas particuliers
Ces cas se rapportent à des groupes de personnes qui n'ont juridiquement pas la possibilité de créer des organisations syndicales pour défendre leurs droits ou leurs intérêts matériels et moraux (les étudiants, les prisonniers, les officiers ministériels, les propriétaires de biens, les militaires) ou qui ont dû attendre et se battre afin d'obtenir ce droit (les professions libérales, les fonctionnaires).
- Le cas des étudiants
Si les étudiants peuvent être considérés comme des travailleurs, ils n’exercent pas encore une profession, puisque l’exercice d’une profession suppose "l’acquisition déjà réalisée des connaissances nécessaires pour l’accomplissement d’une activité" (P. Durand et A. Vitu, Traité de droit du travail).
Bien que certains auteurs considèrent que cette approche n’est pas déterminante, il n’en demeure pas moins que les étudiants ne peuvent pas se syndiquer. Aussi, afin de défendre leurs intérêts, de faire prendre en compte leurs revendications, de participer à la gestion ou à l’administration de certains établissements qui travaillent à leur profit, les étudiants se regroupent en associations de type loi 1901. - Le cas des prisonniers
Bien qu’il y ait eu, dans le milieu des années quatre-vingt, des tentatives pour créer des syndicats de prisonniers, l’exercice du droit syndical leur est interdit, car être prisonnier ne constitue pas une profession, dont l’exercice régulier et habituel a pour finalité de subvenir à son existence : c’est un état. - Le cas des professions libérales
En 1884, les membres d’une même profession libérale avaient été exclus du champ d’application de la loi, et ils durent attendre la loi de 1920 pour se voir reconnaître expressément ce droit. Depuis cette époque, les avocats, les médecins, les pharmaciens, les dentistes, les sages-femmes, les vétérinaires, les architectes, les comptables agréés, les experts-comptables, ... ont la possibilité de constituer des syndicats.
Aujourd'hui, l'article L. 2131-2 stipule "Les syndicats ou associations professionnels de personnes exerçant ... la même profession libérale peuvent se constituer librement".
Ces organisations peuvent aussi coexister avec les ordres professionnels (CE, 13 novembre 1968) auxquels la loi reconnaît un pouvoir réglementaire et disciplinaire, ne serait-ce que pour permettre à ses adhérents de "résister" à certaines prétentions de ces ordres, et de défendre leurs libertés individuelles (CE, 29 juillet 1950).* Une exception cependant
Les officiers ministériels ne peuvent pas se grouper en syndicat (ce qui n’est pas le cas de leurs clercs et de leurs employés), une ordonnance du 2 novembre 1945 ayant réservé l’exercice des droits syndicaux aux conseils et aux chambres de chaque catégorie. Néanmoins, les notaires, les avoués, les huissiers, les commissaires-priseurs, ont la possibilité de constituer des associations de la loi de 1901, et les ordonnances du 2 novembre 1945 sont intervenues en ce sens. - Le cas des propriétaires de biens
Bien qu’ayant des intérêts à défendre, ces personnes n’exercent pas une activité professionnelle, et elles ne peuvent pas par conséquent constituer des syndicats. Ainsi, les propriétaires de biens ruraux, qui n’exploitent pas personnellement leurs biens, ne sont pas admis à adhérer aux syndicats d’exploitants agricoles. Les propriétaires peuvent néanmoins défendre leurs intérêts en ayant recours à la structure associative de la loi de 1901. - Le cas des fonctionnaires
Exclus du champ d’application de la loi du 21 mars 1884, les quelques 250 000 agents civils de l’État devront attendre la promulgation de la loi du 1er juillet 1901 pour pouvoir constituer des associations de fonctionnaires : le gouvernement de l’époque entendait refuser le droit de se syndiquer, non seulement aux fonctionnaires, mais aussi à l’ensemble des agents du secteur public.Si en 1894 le droit syndical était finalement reconnu aux ouvriers de l’État et des collectivités territoriales, ce n’est qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale, et alors que leur nombre atteignait les 900 000, que le texte relatif au statut général des fonctionnaires fit l’objet de négociations entre le vice-président du Conseil, Maurice Thorez (chargé de la fonction publique) et les organisations de fonctionnaires (CGT et CFTC), avant d’être soumis, à l’automne 1946, à l’Assemblée nationale, qui le vota à l’unanimité.La loi n° 46-2294 du 19 octobre 1946 prévoyait en son article 6 :"Le droit syndical est reconnu aux fonctionnaires. Leurs syndicats professionnels régis par le livre III du code du travail, peuvent ester en justice, devant toute juridiction ...".
Cette loi ne concernait que les fonctionnaires de l’État.
Mais le droit syndical fut également reconnu aux agents communaux par la loi du 28 avril 1952 (article 2) et aux agents hospitaliers par un décret-loi du 20 mai 1955, codifié ultérieurement dans le code de la santé publique (art. L. 793).Avec l’avènement de la Ve République, la loi du 19 octobre 1946 fut remplacée par l’ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959, relative au Statut général des fonctionnaires dont l’article 14 reprenait l’intégralité des termes de l’article 6 du texte abrogé.
En 1981, l’alternance politique conduisit le nouveau gouvernement à proposer aux organisations syndicales l’élaboration d’un nouveau statut. Après plus d’un an de négociation, la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 vit le jour. Elle constitue le premier des quatre titres du nouveau Statut général des fonctionnaires, dont l’article 8, toujours en vigueur, est ainsi libellé :"Le droit syndical est garanti aux fonctionnaires. Les intéressés peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats. Ces organisations peuvent ester en justice.
Elles peuvent se pouvoir devant les juridictions compétentes contre les actes réglementaires concernant le statut du personnel et contre les décisions individuelles portant atteinte aux intérêts collectifs des fonctionnaires".Et que l’article 9 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit aussi que :
"Les fonctionnaires participent, par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans les organismes consultatifs, à l’organisation et au fonctionnement des services publics, à l’élaboration des règles statutaires et à l’examen des décisions individuelles relatives à leur carrière. ..."
Des règles spécifiques sont parfois appliquées à certains fonctionnaires.
Mais ces statuts spéciaux, s’ils peuvent déroger au Statut général des fonctionnaires, ne peuvent toutefois pas porter atteinte au libre exercice du droit syndical.
Ainsi, si la loi du 28 septembre 1948 a enlevé le droit de grève aux policiers, elle ne les a pas pour autant privé du droit syndical (CE, 25 mai 1966, sieur Rouve).
De même, les magistrats jouissent du droit syndical, bien que leur statut n’y fasse pas référence (CE, 1er décembre 1972, Demoiselle Obrego).* Deux exceptions toutefois
Elles concernent les statuts particuliers des préfets (décret n° 64-805 du 29 juillet 1964, article 15) et des sous-préfets (décret n° 64-260 du 14 mars 1964, article 18) qui n’accordent pas le droit syndical aux membres de ces corps.
Mais on peut légitimement s’interroger sur la constitutionnalité de ces textes, car à la différence du droit de grève qui "s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent" (préambule de la Constitution du 27 octobre 1946), ce même préambule proclame le droit syndical sans prévoir que la loi puisse lui apporter des restrictions, puisque "tout homme peut défendre ses droits et intérêts par l’action syndicale".
Or, ces dispositions ont été reprises par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État reconnaissent au préambule la même valeur juridique qu’au corps de la Constitution. - Le cas des militaires
Bien qu’il y ait eu, dans le milieu des années soixante-dix, des tentatives pour créer des syndicats de soldats, le droit syndical est toujours interdit aux militaires puisque, comme la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 qu'elle a abrogée, la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005, portant Statut général des militaires, dispose encore en son article 6 (devenu l'article L. 4121-4 du code de la Défense) que "l'existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que l'adhésion des militaires en activité de service à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire".Mais il est à noter qu'en 2005, comme en 1972, le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi de la loi avant sa promulgation.
Pourtant, là encore, on peut légitimement s’interroger sur la constitutionnalité de ce texte car, outre le fait que le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 proclame le droit syndical sans prévoir que la loi puisse lui apporter des restrictions, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France en 1989, stipule en son article 11 que :"Toute personne a droit ... de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts"
même si elle prévoit par ailleurs que l’exercice de ces droits peut faire l’objet de restrictions.
2.1.2.d - Le cadre territorial
Les fondateurs ont toute liberté pour fixer les limites territoriales de leur syndicat, qui peut ne s’étendre qu’à une entreprise, mais qui peut également grouper tous les ressortissants d’une activité professionnelle exerçant dans une commune, voire dans un département. Les syndicats primaires peuvent également être régionaux, ou nationaux.
Les syndicats nationaux se trouvent plus particulièrement dans la fonction publique de l’État, car la gestion des personnels demeure encore largement centralisée et les textes réglementaires, pour les trois fonctions publiques, stipulent que :
"les organisations syndicales déterminent librement leurs structures dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur".
Comme aucun texte ne limite la liberté de structuration d’un syndicat national, celui-ci peut ainsi être articulé autour de sections syndicales régionales, ou de sections départementales, et même avoir des correspondants par ville ou par établissement.
Ces sections syndicales peuvent avoir leurs assemblées et leurs bureaux, car un syndicat national, comprenant un grand nombre de membres, ne pourrait pas fonctionner efficacement sans une telle démultiplication.
Toutefois, seul le syndicat national jouit de la personnalité juridique, et peut ester en justice.
Les confédérations ouvrières ont, quant à elles longtemps revendiqué la reconnaissance des sections syndicales d’entreprise, qui leur semblaient de nature à faciliter leur implantation et leur action syndicale dans les entreprises.
La loi du 27 décembre 1968, relative à l’exercice du droit syndical dans l’entreprise, leur a donné satisfaction.
Ces dispositions ont depuis été reprises par la loi du 28 octobre 1982, puis par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, qui les a étendues aux organisation syndicales non représentatives dans l'entreprise, mais légalement constituées et ayant une ancienneté supérieure à deux ans.
Mais, les sections syndicales d'entreprise ne jouissent pas de la personnalité juridique.