4.4 Fonction publique hospitalière
4.4.1 Droit syndical
4.4.1.a - La reconnaissance du droit syndical
Il a fallu attendre la libération du territoire national pour voir la situation des fonctionnaires de l'Etat évoluer favorablement, tant au plan statutaire qu'au regard du droit syndical.
L'ordonnance du 9 août 1944 portant rétablissement de la légalité républicaine, abrogea la loi du 14 septembre 1941.
Puis la nomination en 1945 de Maurice Thorez, comme vice-président du Conseil chargé de la fonction publique, marqua un tournant et une accélération dans la réforme de la Fonction publique.
La reconstruction de l'état
La reconstruction de la France passait par la reconstruction de l'Etat.
A cette fin, en avril 1945, une mission provisoire de la réforme de la Fonction publique (appelée aussi mission Debré, du nom du jeune maître des requêtes au Conseil d’État, que le général De Gaulle avait placé à sa tête) était créée.
La progression rapide de ses travaux permettait, le 4 juin 1945, à un comité interministériel présidé par le général De Gaulle, d'adopter un projet de réforme.
Le 10 octobre 1945, cette réforme pouvait entrer en vigueur, car le journal officiel publiait le même jour les ordonnances, préparées par Michel Debré, et leurs décrets d'application.
Ainsi, l'ordonnance n° 45-2283 du 9 octobre 1945, instituait à la fois une Direction de la Fonction publique, le corps des administrateurs civils et un Conseil permanent de l'administration civile, composé de neufs membres. Présidé par un président de section au Conseil d'Etat ce conseil comprenait deux personnalités (n'ayant pas la qualité de fonctionnaires et n'appartenant pas à des services publics) et six fonctionnaires :
"dont trois choisis sur une liste de neuf noms établie par les fédérations syndicales de fonctionnaires ".
Ce Conseil permanent, dont la constitution reconnaissait de fait l'action des fédérations syndicales de fonctionnaires dans les administrations, devait être "consulté sur toutes les questions intéressant le recrutement, le statut et l'organisation des services publics".
Le 12 octobre 1945, Roger Grégoire, membre du Conseil d'Etat, devenait à 32 ans le premier directeur de la Fonction publique.
Dans un rapport très incisif rédigé en septembre 1943, il affirmait :
"Pour que les réformes nécessaires soient effectivement poursuivies, une autorité unique devrait être chargée d'en suivre l'application, (...) une direction générale du personnel unique à tous les ministères ".
et de prévoir déjà :
"Ces propositions heurtent singulièrement les habitudes prises (...), elles connaîtront de vives résistances de la part de tous les départements enclins à y voir une atteinte à leur autonomie ".
Il exercera sa fonction durant dix ans, sous vingt Gouvernements successifs.
La laborieuse gestation du statut de 1946
Le 21 octobre 1945, les élections consacraient la normalisation de la vie politique en France : les Français rejetaient à 96% le régime qui était à l'origine de la défaite (ce qui ouvrait la porte à la IVe République) et imposaient le Parti Communiste Français (PCF) comme premier parti politique de l'Assemblée constituante.
Le 23 novembre 1945, la nomination par le général De Gaulle de Maurice Thorez, comme vice-président du Conseil chargé de la fonction publique, marquait un tournant dans la réforme de la Fonction publique.
Alors que Michel Debré s'était occupé de la haute Fonction publique (création de l'ENA, du corps des administrateurs civils et du Conseil permanent) le chef du PCF allait s'occuper de la masse des 900 000 fonctionnaires et souhaitait ardemment l'adoption d'un Statut général, car il disait :
"le fonctionnaire ne doit plus être le domestique du Gouvernement livré à l'arbitraire ou au favoritisme, mais le serviteur de l'Etat et de la Nation, garanti dans ses droits, son avancement et son traitement, conscient en même temps de sa responsabilité, considéré comme un homme et non comme un rouage impersonnel de la machine administrative"
Il ouvrait donc le chantier relatif au projet de Statut général, avec pour rédacteurs Jacques Pruja (Secrétaire général de la fédération générale des fonctionnaires CGT) et Max Amiot (jeune inspecteur des impôts).
Et c'est dans un contexte de forte syndicalisation que le ministre entama la négociation avec les organisations de fonctionnaires CGT et CFTC, qui avaient réouvert les projets d'avant-guerre.
Le départ du général de Gaulle le 20 janvier 1946 et son remplacement par Félix Grouin ne modifièrent en rien la mission de Maurice Thorez.
- Un projet complet fut présenté au début du mois de mars 1946.
Roger Grégoire, directeur de la Fonction publique, qui travaillait sur les statuts particuliers et s'inquiétait de la mise en chantier d'un statut par des syndicalistes, écrivit à Louis Joxe, secrétaire général du gouvernement, après avoir pris connaissance des propositions, pour lui dire : "le texte est à revoir entièrement" et il fit même préparer un contre-projet, qui n'eut aucune suite.
Mais, en instaurant une participation au sein des ministères et en proposant la transformation de la direction de la Fonction publique en un secrétariat général, le projet suscitait plus qu'une vive opposition : il provoqua une levée de boucliers.
Les ministres et la haute fonction publique voyaient dans la participation un affaiblissement de leurs prérogatives, tandis que le directeur du Budget, Didier Gregh, considérait pour sa part la création d'un secrétariat d'Etat comme "une attaque directe contre la prééminence, jusqu'ici reconnue, du ministère des Finances en tout ce qui touche la matière de la fonction publique". - Une solution de repli fut donc préparée par le cabinet ministériel.
Le 23 mars 1946, Maurice Thorez, vice-président du Conseil, dans sa communication au Conseil des ministres, tenait à rassurer ceux qui pensaient qu'il avait la volonté d'affaiblir les prérogatives des ministres et des chefs de service en leur déclarant que la participation était organisée "selon une forme compatible avec le souci de sauvegarder le pouvoir de décision des autorités responsables".
Et de préciser que les votes auraient lieu dans tous les cas à main levée et que le président des organismes consultatifs avait voix prépondérante en cas de partage des voix.
Déposé le 16 avril à l'Assemblée, ce nouveau projet reçut un avis réservé du Conseil d'Etat le 26 avril 1946.
Quant au directeur du Budget, il écrivait encore : "Ce statut général aura pour effet, s'il est adopté, de retirer à la direction du Budget et au ministère des Finances, une grande partie de son pouvoir traditionnel, l'appréciation en tout ce qui touche au régime des fonctionnaires".
Devant la vive opposition qu'il continuait de soulever, ce second projet fut abandonné. - De nouvelles tractations eurent lieu entre le nouveau Président du Conseil Georges Bidault et son ministre Maurice Thorez, puis de nouveaux arbitrages...
Un troisième projet gouvernemental fut élaboré.
Le directeur du budget se résigna enfin à accepter cette version, parce qu'elle prévoyait que "le ministre des Finances signe et contresigne tous les textes relatifs à la fonction publique ou aux fonctionnaires, qui ont des répercussions directes ou indirectes" : la direction de la fonction publique n'avait plus qu'un rôle de coordination.
Ce projet fut présenté au Conseil d'Etat, qui donna un avis le 10 août, et le projet de texte du Statut général des fonctionnaires fut déposé au bureau de l'Assemblée constituante le 27 août 1946.
Il fit encore l'objet de sérieux affrontements entre le PCF et le MRP (Mouvement Républicain Populaire), mais on en restera là.
Lors du débat à l'Assemblée, le rapporteur du projet Yves Fagon, député MRP et ancien secrétaire général de la CFTC, déclara que ce Statut répondait à la préoccupation générale d'établir "un statut basé sur les principes démocratiques tels qu'ils sont exprimés par la nouvelle Constitution" et qu'il tendait :
"d'une part, à fixer les droits, devoirs et garanties des fonctionnaires, d'autre part, à créer les organismes qui permettront d'assurer, dans les meilleurs conditions, ces droits, ces devoirs et ces garanties ".
Voté à l’unanimité le 5 octobre 1946, ce projet législatif devenait la loi n° 46-2294 du 19 octobre 1946, qui prévoyait en son article 6 :
"Le droit syndical est reconnu aux fonctionnaires. Leurs syndicats professionnels régis par le livre III du code du travail, peuvent ester en justice, devant toute juridiction. Ils peuvent notamment, ..., se pourvoir contre les actes régle-mentaires concernant le statut du personnel et contre les décisions individuelles portant atteinte aux l'intérêts collectifs des fonctionnaires.
Toute organisation syndicale de fonctionnaires est tenue d’effectuer, dans les deux mois de sa création, le dépôt de ses statuts et de la liste de ses administrateurs auprès de l’autorité hiérarchique dont dépendent les fonctionnaires appelés à en faire partie. ... ".
Cette loi statutaire ne concernait que les fonctionnaires de l’État.
Les agents communaux en avaient été écartés, à cause des craintes, exprimées par certains élus, d'y voir une étatisation du personnel communal et la remise en cause de l'autonomie des communes.
Malgré ces craintes, le droit syndical fut étendu aux agents communaux, par l'article 2 de la loi du 28 avril 1952, portant statut général des personnel communaux.
Ce statut général, avec le droit syndical, fut transposé après adaptation aux sapeurs-pompiers en 1953, aux personnels des offices d'HLM en 1954 et aux agents hospitaliers le 20 mai 1955 (par un décret-loi, codifié en 1959 dans le code de la Santé publique).
Avec l’avènement de la Ve République, il fut procédé à une refonte du Statut général des fonctionnaires, afin de tenir compte des nouvelles dispositions des articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958, fixant les domaines respectifs de la loi et du règlement.
La loi du 19 octobre 1946, relative au Statut général des fonctionnaires, a donc été remplacée :
- par l’Ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959, pour toutes les dispositions considérées comme des garanties fondamentales pour les fonctionnaires : tel a été le cas de l’article 6 du texte abrogé, dont les termes ont été intégralement repris par l’article 14 de l'Ordonnance (à l'exception de la dernière phrase sur le dépôt des statuts des organisations syndicales déjà existantes, qui n'avait plus lieu d'être et qui n'a pas été reproduite supra) ;
- par des décrets en Conseil d'Etat (dont la plupart ont été signés le 14 février 1959) pour les autres dispositions.
Mais le statut des personnels hospitaliers ne fut pas affecté par ces obligations.
4.4.1.b - Les fondements actuels du droit syndical
La liberté syndicale, reconnue actuellement aux fonctionnaires, repose sur un socle juridique qui relève à la fois du droit interne depuis 1946 et du droit international depuis 1952.
Les organisations syndicales de fonctionnaires disposent à présent de nombreux moyens pour assurer la défense des intérêts individuels et collectifs de leurs membres.
Mais depuis 1947, certaines catégories de fonctionnaires et d'agents publics de l'Etat ont fait l'objet d'une restriction de ces moyens, avec notamment la limitation du droit de grève, voire son interdiction.
Le socle juridique
Il prend sa source, après la Libération, dans deux événements quasi simultanés : le vote de la loi du 19 octobre 1946, qui reconnaissait le droit syndical aux fonctionnaires (de l'Etat, car il n'existait qu'un versant de la fonction publique à cette époque) et la proclamation de la IVe République avec la Constitution du 27 octobre 1946.
La proclamation de la Ve République en 1958 ne modifiera ce dispositif que pour l'adapter aux nouvelles dispositions constitutionnelles, fixant les domaines respectifs de la loi et du règlement.
Durant cette période l’Organisation Internationale du Travail, le Conseil des ministres du Conseil de l’Europe et l'Assemblée générale des Nations Unies adoptèrent un certain nombre d'accords, conventions ou pactes, traitant notamment de la liberté syndicale et de la protection du droit syndical, et invitèrent leurs membres à les ratifier.
Le droit interne
- Le fondement constitutionnel
Avec le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, qui édicte en son alinéa 6 :
"Tout homme peut défendre ses droits et intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. "
D'autant que la jurisprudence du Conseil constitutionnel (notamment la décision 71-44-DC du 16 juillet 1971, JORF du 18 juillet) et du Conseil d'Etat (avec son arrêt société Eky du 12 février 1960) reconnaissent au préambule la même valeur juridique qu'au corps même de la Constitution.
- Le fondement législatif
Avec la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (qui fait suite à la loi de 1946 et à l'ordonnance de 1959), dont l'article 8 est ainsi libellé :
"Le droit syndical est garanti aux fonctionnaires. Les intéressés peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats. ... "
Avec le code du travail et son article L. 2131-2, 1er alinéa, qui prévoit actuellement que :
"Les syndicats ou associations professionnels ... peuvent se constituer librement."
Le droit international
- Avec la Convention n° 87 du 9 juillet 1948 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), ratifiée par la France le 28 juin 1952, qui spécifie en son article 2 que :
"Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières."
et à l'article 3 que :
"Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action.
Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal."
- Avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950 par le Conseil des ministres du Conseil de l’Europe, et ratifiée par la France en 1989, qui stipule en son article 11 que :
"Toute personne a droit ... de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts."
même si elle prévoit par ailleurs que l’exercice de ces droits peut faire l’objet de restrictions.
- Avec le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté à New York le 16 décembre 1966 par l'Assemblée générale des Nations Unies, et ratifié par la France le 4 novembre 1980, qui édicte en son article 8 :
" 1 - Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à assurer :
a) Le droit qu’a toute personne de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier au syndicat de son choix, sous la seule réserve des règles fixées par l’organisation intéressée, en vue de favoriser et de protéger ses intérêts économiques et sociaux. L’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi, et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public, ou pour protéger les droits et libertés d'autrui.
b) ...
2 - Le présent article n’empêche pas de soumettre à des restrictions légales l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de la fonction publique. "
Car, aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 :
"les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, ... ".
La loi n°83-634 du 13 juillet 1983
Le statut général des fonctionnaires du 19 octobre 1946, comme celui du 4 février 1959, ne concernaient que les fonctionnaires de l'Etat.
Mais le droit syndical avait été étendu, dans des termes voisins, aux agents communaux par l'article 2 de la loi du 28 avril 1952 (loi codifiée au livre IV du code des communes) et aux agents hospitaliers par un décret-loi du 20 mai 1955 (codifié en 1959 dans le code de la Santé publique, art. L. 793).
Le droit syndical et la participation
En 1981, l’alternance politique conduisit le gouvernement à proposer aux organisations syndicales l’élaboration d’un nouveau statut.
Après plus d’un an de négociation, la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 vit le jour. Elle constitue le premier des quatre titres du Statut général des fonctionnaires, dont l’article 8 est ainsi libellé :
"Le droit syndical est garanti aux fonctionnaires. Les intéressés peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer, y exercer des mandats. Ces organisations peuvent ester en justice. Elles peuvent se pouvoir devant les juridictions compétentes contre les actes réglementaires concernant le statut du personnel et contre les décisions individuelles portant atteinte aux intérêts collectifs des fonctionnaires.
Les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour conduire au niveau national avec le Gouvernement des négociations préalables à la détermination de l’évolution des rémunérations et pour débattre avec les autorités chargées de la gestion, aux différents niveaux, des questions relatives aux conditions et à l’organisation du travail".
Tandis que l’article 9 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit aussi que :
"Les fonctionnaires participent, par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans les organismes consultatifs, à l’organisation et au fonctionnement des services publics, à l’élaboration des règles statutaires et à l’examen des décisions individuelles relatives à leur carrière".
Les apports de la loi du 13 juillet 1983
A la différence des deux statuts précédents, ce troisième statut, résultant de la loi du 13 juillet 1983, actuellement en vigueur, s'applique non seulement aux fonctionnaires de l'Etat, mais aussi aux agents communaux, devenus des fonctionnaires territoriaux et aux agents hospitaliers devenus, eux aussi, des fonctionnaires hospitaliers.
Ainsi, outre le fait que son champ d’application soit élargi aux personnels de la fonction publique territoriale et hospitalière, ce statut présente trois différences importantes par rapport à l’article 6 de la loi de 1946 et à l’article 14 de l’ordonnance de 1959 :
- La première, concerne le fait que "les intéressés peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer, y exercer des mandats ": précisions qui ne figuraient pas dans les statuts antérieurs.
- La deuxième, est que cet article reconnaît en son deuxième alinéa que "les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour conduire au niveau national avec le Gouvernement des négociations préalables à la détermination de l’évolution des rémunérations et pour débattre avec les autorités chargées de la gestion, aux différents niveaux, des questions relatives aux conditions et à l’organisation du travail" : ce qui est la reconnaissance d’une pratique instaurée depuis 1968, notamment en matière salariale.
- La troisième, réside dans le fait qu’il n’est plus question, comme en 1946 ou en 1959, d’effectuer "le dépôt de ses statuts et de la liste de ses administrateurs auprès de l’autorité hiérarchique dont dépendent les fonctionnaires appelés à en faire partie" : mais cette obligation est reprise partiellement par les décrets d’application.
Ainsi, le décret n° 82-447 du 28 mai 1982, relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique de l’État stipule, dans son article 2, que "les organisations syndicales déterminent librement leurs structures dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, à charge pour les responsables de ces organisations d’informer l’administration".
Des textes analogues concernent la fonction publique territoriale (décret n° 85-397 du 3 avril 1985) et hospitalière (décret n° 86-660 du 19 mars 1986).
Mais, en contrepartie, les fonctionnaires chargés d’un mandat syndical, peuvent être placés en "position de détachement", ou bénéficier "des autorisations spéciales d’absence, et des décharges d’activité de service", afin d’exercer leur mandat.
Les modifications apportées à la loi de 1983
La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, applicable aux 3 fonctions publiques, consacre dans son article 8, 2e alinéa, une concertation qui vient s’ajouter à celle plus traditionnelle, qui se déroule habituellement dans le cadre formel des instances de participation prévues par la loi.
- La concertation non institutionnelle avant 2010
Pour cette nouvelle concertation, les négociations qui en ont résulté avaient un caractère totalement informel, puisque aucune règle juridique n’était venue fixer leur déroulement.
Aussi, depuis 1970, date de la première négociation salariale, à laquelle participèrent les organisations représentatives (dont la FGAF) des fonctionnaires de l’Etat (les fonctions publiques territoriale et hospitalière n’existant pas encore) l’administration perpétuait la tradition.
La FGAF, écartée des négociations touchant l’ensemble des fonctions publiques depuis sa sortie de l’UNSA en 2006, au motif qu'elle ne siégeait plus au Conseil supérieur de l'Etat (alors qu'elle obtenait 101 019 suffrages aux élections professionnelles dans les trois fonctions publiques en 2008, et le 7e rang devant la CFTC et la CGC) avait saisi d'administration de ce problème le 30 novembre 2009, lui signifiant que sa pratique n'était juridiquement plus tenable, ni acceptable avec son caractère discriminatoire.
La réponse ne s'est pas fait attendre. - La concertation non institutionnelle après 2010
Le 5 juillet 2010, l'article 1er de la loi n° 2010-751 relative à la rénovation du dialogue social, modifiait profondément l'article 8 du titre I du Statut général des fonctionnaires en supprimant son deuxième alinéa et en créant un article 8 bis, qui reprenait les dispositions de l'alinéa supprimé, mais surtout précisait les espaces ouverts à la négociation, fixait les critères pris en compte pour la participation des organisations syndicales et stipulait les conditions de validité d'un accord !
L'article 8 bis, inséré dans la loi n° 83-634 est ainsi rédigé :
"I. - Les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour participer au niveau national à des négociations relatives à l'évolution des rémunérations et du pouvoir d'achat des agents publics avec les représentants du Gouvernement, les représentants des employeurs publics territoriaux et les représentants des employeurs publics hospitaliers.
II. - Les organisations syndicales de fonctionnaires ont également qualité pour participer, avec les autorités compétentes, à des négociations relatives :
1° Aux conditions et à l'organisation du travail, et au télétravail ;
2° Au déroulement des carrières et à la promotion professionnelle ;
3° A la formation professionnelle et continue ;
4° A l'action sociale et à la protection sociale complémentaire ;
5° A l'hygiène, à la sécurité et à la santé au travail ;
6° A l'insertion professionnelle des personnes handicapées ;
7° A l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
III. - Sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation.
Une négociation dont l'objet est de mettre en œuvre à un niveau inférieur un accord conclu au niveau supérieur ne peut que préciser ce dernier ou en améliorer l'économie générale dans le respect de ses stipulations essentielles.
IV.* - Un accord est valide s'il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix lors des dernières élections professionnelles organisées au niveau auquel l'accord est négocié".
* Nota :
I. - Le IV de l'article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2013.
II. - Avant l'entrée en vigueur du IV du même article 8 bis, la validité d'un accord est subordonnée au respect de l'une ou l'autre des conditions suivantes :
1° Il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix ;
2° Il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au total au moins 20 % du nombre des voix et ne rencontre pas l'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales parties prenantes à la négociation représentant au total une majorité des voix.
Pour l'application du présent II, sont prises en compte les voix obtenues par les organisations syndicales de fonctionnaires lors des dernières élections professionnelles au niveau où l'accord est négocié.
Les règles spécifiques appliquées à certains
Le préambule de la Constitution de 1946, auquel renvoie celui de la Constitution de 1958, reconnait le droit de grève à tous les travailleurs, y compris par conséquent aux fonctionnaires.
Mais ce même alinéa prévoit aussi que :
"le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent'.
Aussi, certaines catégories de fonctionnaires de l'Etat se sont vu retirer le droit de grève et ont été placées en catégorie spéciale, cela :
"[afin d'] opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue une modalité et la sauvegarde de l'intérêt général auquel elle peut être de nature à porter atteinte".
(CE, 7 juillet 1950, arrêt Dehaene)
Certains juristes parlent alors de "statut spécial" tandis que d’autres y voient plutôt un « statut particulier dérogatoire », avec des dispositions spécifiques en matière de recrutement ou de grilles indiciaires.
Il en est ainsi pour :
- Les personnels de police
Dès 1947, les personnels des compagnies républicaines de sécurité (CRS) ont été classés en "catégorie spéciale" par l'article 6 de la loi n° 47-2384 du 27 décembre 1947 (remplacé depuis par l'article L 411-4 du code de la Sécurité intérieure).
Neuf mois plus tard, il en fut de même pour les fonctionnaires de la sûreté nationale et les personnels de la préfecture de police, avec les dispositions de la loi n° 48-1504 du 28 septembre 1948 (art. 2).
Mais si la loi leur avait retiré le droit de grève, le Conseil d'Etat rappela qu'elle ne les avait pas pour autant privés du droit syndical (CE, 25 mai 1966, sieur Rouve) ; - Les personnels de la pénitentiaire
Ils ont été classés en "catégorie spéciale" par les dispositions de l'article 1er de l’ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958, mais "ce statut ne peut porter atteinte au libre exercice du droit syndical" (art. 2 du même texte) ; - Les personnels de la navigation aérienne
La loi n° 64-650 du 2 juillet 1964 avait retiré le droit de grève aux contrôleurs de la circulation aérienne et aux électroniciens de la sécurité aérienne.
Puis, la loi n° 71-458 du 17 juin 1971 en avait fait de même pour les ingénieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile.
Mais la loi n° 84-1286 du 31 décembre 1984 leur a redonné ce droit, tout en leur imposant la mise en place d'un service minimum avec un certain nombre d’obligations, afin d'assurer la continuité de l'action gouvernementale, l'exécution des missions de la défense nationale, la sauvegarde des personnes et des biens et le maintien des liaisons destinées à éviter l'isolement des DOM-TOM.
Le décret 85-1332 du 17 décembre 1985 est venu préciser les modalités d'application de cette loi.
Aujourd'hui, leur classement en "statut spécial" a été maintenu par les lois n° 89-1007 et 90-557 et leurs statuts particuliers peuvent déroger au titre II et aux articles 12 et 16 du titre I du Statut général des fonctionnaires ; - Les personnels des transmissions du ministère de l'intérieur
Ils sont eux aussi soumis à des "statuts spéciaux" et privés du droit de grève depuis les stipulations de l'article 14 de la loi de finances rectificative pour 1968 (loi n° 68-695 du 31 juillet).
Mais, ces statuts spéciaux, s’ils peuvent déroger au Statut général des fonctionnaires, ne peuvent pas porter atteinte au droit syndical.
Enfin, il convient de mentionner ici le cas des magistrats qui, bien que n'étant pas des fonctionnaires, sont des agents publics dont les statuts spécifiques ne mentionnent pas le droit syndical.
- Les magistrats
Bien que ne relevant pas du Statut général des fonctionnaires, ils jouissent du droit syndical depuis 1972, même si leur statut n’y fait pas référence, grâce à un arrêt du Conseil d'Etat (CE, 1er décembre1972, arrêt Demoiselle Obrego).
Toutefois, le recours à la grève leur est interdit par l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958.
4.4.1.c - Les conséquences de la reconnaissance
La reconnaissance constitutionnelle et législative du droit syndical aux fonctionnaires entraîne, ipso facto, la reconnaissance de la liberté syndicale pour ces mêmes fonctionnaires :
- liberté tout d'abord pour leurs syndicats, en matière de constitution et d'organisation,
- mais liberté aussi pour les fonctionnaires, d'adhérer ou de ne pas adhérer à l'organisation syndicale de leur choix.
Cette liberté syndicale a favorisé la multiplication des créations d'organisations syndicales dans la fonction publique. Ayant toutes vocation à défendre les intérêts professionnels de leurs adhérents, elles n'ont pas pour autant la même audience ou la même influence.
Aussi, cette prolifération a conduit les pouvoirs publics à reconnaître des prérogatives particulières aux organisations considérées comme représentatives dans des secteurs d'activité, préalablement arrêtés.
La liberté syndicale à l'égard de l'état
Les syndicats professionnels ayant la possibilité de se constituer librement, l’État n’intervient en aucune façon dans leur constitution.
De fait, aucune autorisation préalable de l'Etat n'est requise, aucune tutelle de l'Etat n'est exercée sur le syndicat et l'Etat ne dispose d'aucun droit de dissolution : l'administration se contente donc d'enregistrer le dépôt des statuts.
Après l’accomplissement de cette formalité, un récépissé est délivré au déposant, en même temps qu’un numéro d’enregistrement du syndicat.
Ce récépissé apporte la preuve que cette formalité substantielle a été accomplie, car elle conditionne l’existence officielle du syndicat (Cass. soc. 7 mai 1987).
La liberté de Constitution
Le syndicat étant un groupement professionnel, le législateur impose toutefois à ceux qui désirent créer un syndicat, d’être unis par un lien professionnel. Cette condition remplie, il existe alors une grande liberté quant aux personnes pouvant constituer un syndicat ou au cadre territorial de celui-ci.
Le code du Travail n’impose d'ailleurs que des conditions de forme très simples, car l'article L. 2131-3 édicte que :
"Les fondateurs de tout syndicat professionnel déposent les statuts et les noms de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de l’administration ou de la direction"
et ne prévoit aucune approbation préalable d’une autorité publique, puisque l'article L. 2131-2 stipule que :
"Les syndicats ou associations professionnels ... peuvent se constituer librement".
Mais le dépôt des statuts du syndicat doit être effectué conformément aux dispositions de l'article R. 2131-1 du code du travail :
"Les syndicats ou associations professionnels ... peuvent se constituer librement".
Mais le dépôt des statuts du syndicat doit être effectué conformément aux dispositions de l'article R. 2131-1 du code du travail :
"... à la mairie de la localité où le syndicat est établi.
Le maire communique ces statuts au procureur de la République".
Dans la capitale, il est effectué à l’annexe de la mairie de Paris, bureau des syndicats - 2, rue Lobau - 75196 Paris RP.
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article L. 2131-3 alinéa 2 du même code, ce dépôt devra être "renouvelé en cas de changement de la direction ou des statuts."
Enfin, si le transfert du siège du syndicat dans une autre commune est décidé, un nouveau dépôt des statuts devra être effectué à la mairie de cette nouvelle commune.
* Trois exceptions cependant
Dans les départements de la Moselle (57), du Bas-Rhin (67) et du Haut-Rhin (68), le dépôt des statuts doit être effectué au Tribunal de Grande Instance.
Le dépôt est la seule mesure de publicité requise, car il n’y a pas de publicité au journal officiel, analogue à celle qui est imposée aux associations déclarées.
Aussi, la loi ne contenant aucune disposition quant à la communication aux tiers, le Conseil d’État (5 juillet 1912) a estimé que le dépôt était une forme de publicité, et que "le public était en droit de demander cette même communication" tant des statuts que du nom des administrateurs du syndicat.
La liberté d'organisation
Les fondateurs d’un syndicat disposent d’une grande liberté pour l’élaboration des statuts, car il n’existe pas de statuts types, imposés ou recommandés par l’administration.
Le décret n° 86-660 du 19 mars 1986 modifié, relatif à l'exercice du droit syndical dans les établissement mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33relative à la fonction publique hospitalière, précise en son article 2 :
"Les organisations syndicales déterminent librement leurs structures dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
La direction de l'établissement est informée, en cas de création d'un syndicat ou d'une section syndicale, des statuts et de la liste des responsables de l'organisme syndical".
Cependant, afin d’assurer la bonne marche de l’organisation, il semble nécessaire d’y faire figurer un certain nombre d’informations :
- Le nom du syndicat, son siège social, son objet, son ressort territorial, la branche d’activité professionnelle à laquelle appartiennent ses membres,
- L’admission, la démission ou l’exclusion de ses membres,
- Son organisation interne et le pouvoir des assemblées, notamment quant à la modification des statuts, à la dissolution du syndicat et au sort des biens.
Ce sont là les grandes lignes directrices qui doivent prévaloir lors de l’élaboration des statuts. Elles résultent en fait de la circulaire ministérielle n° 45/68 du 25 novembre 1968, du ministre chargé du Travail.
Mais d’autres dispositions peuvent y trouver place, telle que l’affiliation à une autre organisation.
Dans la Fonction publique hospitalière, la structure de base est le plus souvent articulée autour des seuls syndicats locaux, implantés au niveau le plus proche du lieu de travail (afin de pouvoir réagir rapidement et traiter plus facilement les problèmes qui s'y présentent) avec ça et là l'implantation éventuelle de sections syndicales.
Mais il convient cependant de rappeler que ces sections n'ont pas la personnalité juridique et ne peuvent pas ester en justice : cette prérogative étant réservée aux seuls syndicats et à leurs unions.
La liberté syndicale à l'égard des personnes
Outre le fait que le Préambule de la Constitution de 1946 ne prévoit pas que la loi puisse apporter de restrictions au droit syndical, il énonce le principe de la liberté d'adhésion et de choix.
La liberté d'adhésion et de choix
Si la liberté d'adhérer au syndicat de son choix est reconnue à chaque membre d’une profession par la Constitution, l'article L. 2141-1 du code du travail est venu en préciser la portée en stipulant que :
"Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l'un des motifs visés à l'article L. 1132-1", article qui traite de la non discrimination.
- L'illégalité des discriminations liées à l'adhésion
Il est aussi illégal, car contraire à la liberté syndicale, qu'un salarié, ou qu'un fonctionnaire, fasse l'objet de mesures discriminatoires en raison de son adhésion à un syndicat.
C'est ce qui résulte, pour l'ensemble des salariés, du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, dont le 3e alinéa proclame :
"nul ne peut-être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses... opinions... ".
C'est aussi ce qui est réaffirmé pour les fonctionnaires par l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, dont la rédaction stipule :
"La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires.
Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses,... ".
Ce principe de liberté d’adhésion, souvent menacé par l’employeur, privé ou public, protège le travailleur (comme le fonctionnaire), aussi bien lors de son embauche (ou de son recrutement) et pendant la durée de son contrat (comme de sa carrière), contre toutes les discriminations dont il pourrait être victime en raison de son affiliation syndicale (Cass. civ. 27 mars 1952 ; Cass. crim. 12 mai 1981 ; Cass. soc. 21 avril 1983).
- La justice et la discrimination syndicale
En ce domaine, la jurisprudence de la Haute assemblée n'est pas restée figée dans le temps, mais a évolué dans un sens plus favorable aux responsables syndicaux, en demandant à l'administration de formuler des reproches précis, montrant les manquements des fonctionnaires incriminés dans la conduite de leur activité syndicale.
En 1964, le ministre des P et T refusait de muter, sur sa demande, un fonctionnaire dans un centre de tri postal, en invoquant que cette mutation lui semblait susceptible, en raison de l'organisation du centre et de l'activité syndicale de l'intéressé, de nuire en cas de grève à la bonne marche du service.
Le Conseil d'Etat avait validé le refus du ministre, en considérant qu'en prenant cette décision il n'avait pas porté atteinte à la liberté syndicale ou au droit de grève du requérant (CE, 23 septembre 1964, arrêt Lefrère).
En 1980, le secrétaire d'Etat à la jeunesse et aux sports refusait l'affectation demandée par un professeur d'éducation physique et sportive au motif "uniquement fondé sur les positions qu'aurait prises l'intéressé dans l'exercice normal d'un mandat syndical".
Le Conseil d'Etat annula le rejet de la demande de mutation, en considérant :
"qu'un tel motif, alors qu'il n'est pas allégué que M. Gueguen aurait manqué à l'obligation de réserve qui s'impose aux fonctionnaires, même investis d'une responsabilité syndicale, n'est pas au nombre de ceux qui peuvent être légalement retenus par l'administration pour décider de la suite à donner à une demande de mutation".
(CE, 18 avril 1980, arrêt Gueguen)
Aussi, en application de ces considérations, la notation d'un fonctionnaire ne peut être abaissée pour des motifs qui tiennent à l'accomplissement de son activité syndicale, lorsque celle-ci a été régulièrement effectuée, en restant dans le cadre de la défense des intérêts professionnels et en se conciliant avec le respect de la discipline (obligation d'obéissance hiérarchique, obligations de neutralité et de réserve, obligations de secret et de discrétion professionnelle).
Mais, la notation peut être abaissée lorsque le fonctionnaire incriminé a transgressé les textes qui régissent l'exercice du droit syndical (CE, 9 novembre 1983, arrêt Saerens et autre).
Enfin, cela vaut également pour les agents non titulaires de l'administration.
Le Conseil d'Etat a ainsi annulé le licenciement prononcé par le ministre des armées d'un certain nombre d'agents contractuels de la manufacture d'armes de Tulle, après avoir constaté que l'administration ne formulait aucun grief précis à leur égard et qu'en conséquence, la seule véritable raison de ce licenciement semblait être l'appartenance de ces personnels au syndicat CGT de la manufacture (CE, 26 octobre 1960, arrêt Rioux et autres).
- Les protections prévues par la loi
La preuve que la décision de l’employeur a été dictée par l’appartenance syndicale du salarié, ou du fonctionnaire, est parfois difficile, voire délicate, à apporter.
C'est pour cela qu'une des conséquences de la liberté d'adhésion est que le salarié, ou le fonctionnaire, n'est en aucun cas obligé de révéler son affiliation syndicale à son employeur, sauf s'il souhaite bénéficier des droits attachés à cette affiliation.
C’est pour cela aussi que les cotisations syndicales ne peuvent pas être recouvrées par prélèvement direct, opéré par l’employeur sur le salaire ou le traitement du personnel.
L’article L. 2141-6 du code du travail énonce en effet :
"Il est interdit à l'employeur de prélever les cotisations syndicales sur les salaires de son personnel et de les payer au lieu et place de celui-ci ".
Enfin, il convient de rappeler que, outre le fait que cette liberté de choix débouche sur le pluralisme syndical, elle ouvre aussi la possibilité d’adhésion simultanée à plusieurs syndicats, à la condition expresse cependant que les statuts d’une organisation syndicale n’interdisent pas cette double affiliation, car en droit, rien ne l’interdit (Cass. soc. 9 mai 1968).
La liberté de retrait
C'est un autre aspect de la liberté syndicale, en opposition avec la doctrine des corporations en France, ou avec celle en vigueur dans certains pays, dans lesquels l'adhésion à un syndicat est obligatoire.
Elle résulte à la fois du Préambule de la Constitution de 1946, édictant que "Tout homme peut ... adhérer au syndicat de son choix" et du 1er alinéa de l’article L. 2141-3 du code du Travail qui stipule que :
"Tout membre d’un syndicat professionnel peut s’en retirer à tout instant même en présence d'une clause contraire".
Mais, le second alinéa de cet article prévoit aussi que dans ce cas :
"Le syndicat peut réclamer la cotisation correspondant aux six mois qui suivent le retrait d’adhésion".
4.4.1.d - Les limites apportées au droit syndical
Malgré les fondements actuels (constitutionnel et international) du droit syndical, qui prévoient le droit syndical de manière générale, sans prévoir (comme pour le droit de grève par exemple) que la loi puisse lui apporter des restrictions, certaines catégories de fonctionnaires et d'agents publics de l'Etat se sont vues retirer ce droit par leur statut particulier (préfets et sous-préfets) ou leur statut général (militaires).
- Les préfets
Ils relèvent du Statut général des fonctionnaires, mais ils sont pourtant privés du droit syndical par l'article 15 de leur statut particulier, le décret n° 64-805 du 29 juillet 1964 modifié, qui précise que les dispositions de l'article 8 de la loi n° 83-634, portant droits et obligations des fonctionnaires, ne leur sont pas applicables.
Ils ont toutefois le droit de constituer des associations, régies par la loi du 1er juillet 1901. - Les sous-préfets
Comme les préfets, ils sont eux aussi privés du droit syndical par les dispositions de l'article 18 de leur statut particulier, le décretn° 64-260 du 14 mars 1964 modifié.
Mais ils peuvent, comme eux, créer des associations. - Les militaires
Bien qu’il y ait eu, dans le milieu des années soixante dix, des tentatives pour créer des syndicats de soldats, le droit syndical est toujours interdit aux militaires puisque, comme la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 qu'elle a abrogée, la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005, portant Statut général des militaires, stipule toujours en son article 6 (devenu l'article L. 4121-4 du code de la Défense) que :
"L'existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que l'adhésion des militaires en activité de service à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire".
Par ailleurs, contrairement aux préfets et au sous-préfets, les militaires ne disposent pas non plus du droit d'association.
Mais il est à noter qu'en 2005, comme en 1972, le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi de la loi avant sa promulgation, et pour cause...
On peut en effet légitimement s’interroger sur la constitutionnalité de ces textes, car le préambule de la Constitution de 1946, auquel renvoie celui de la Constitution du 4 octobre 1958, proclame le droit syndical sans prévoir que la loi puisse lui apporter des restrictions.
Et la jurisprudence du Conseil constitutionnel (notamment la décision 71-44-DC du 16 juillet 1971, JORF du 18 juillet) et du Conseil d'Etat (avec son arrêt société Eky du 12 février 1960) reconnaissent au préambule la même valeur juridique qu'au corps même de la Constitution. Alors...
Par ailleurs, l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 stipule que "les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, ... " et :
- la Convention n° 87 du 9 juillet 1948 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), en son article 2, ratifiée par la France le 28 juin 1952,
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en son article 11, ratifiée par la France en 1989,
- le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en son article 8, ratifié par la France le 4 novembre 1980,
proclament le droit syndical, même si ces textes prévoient aussi que l’exercice de ces droits peut faire l’objet de restrictions.
Alors, à quand le droit syndical pour les Préfets, les Sous-préfets et les militaires de carrière ou sous contrat, même si leurs statuts particuliers leur imposaient des sujétions renforcées, voire des obligations particulières ?
4.4.1.e - La difficulté d'imposer un droit
Il ne suffit pas de proclamer un droit pour qu’il existe concrètement dans les faits : il faut aussi prévoir des moyens, afin de pouvoir l'exercer.
Car de 1955, année de l’obtention du droit syndical, à 1972, année de la transposition de l'instruction de la FPE aux agents hospitaliers, les textes relatifs à l'exercice de ce droit avaient une portée limitée et prévoyaient :
- le détachement auprès d'une organisation syndicale (Code de la Santé publique art. L. 864-4) ;
- le congé d'éducation ouvrière (loi n° 57-821 du 23 juillet 1957).
Mais aucun de ces textes ne concernait l'exercice du droit syndical dans l'enceinte des établissements hospitaliers.
L'opposition à l'exercice du droit syndical
En effet, nonobstant la reconnaissance du droit syndical pour les fonctionnaires de l'Etat le 19 octobre 1946, et pour les agents publics hospitaliers le 20 mai 1955, et les fondements juridiques de ce droit (à la fois constitutionnel, international et législatif), les administrations invoquaient toujours le principe de neutralité des services publics pour s’opposer farouchement à l’exercice du droit syndical dans les services de l'Etat, des départements voire des communes ; tandis que la majorité des employeurs du secteur privé continuait à être hostile à l’exercice de ce droit dans les entreprises, y voyant une atteinte au droit de propriété et, comme certains employeurs territoriaux ou hospitaliers, un risque pour leur pouvoir hiérarchique.
C’est à la suite des évènements de mai 1968 que le législateur a été amené à faire entrer, par la loi du 27 décembre 1968, l’exercice du droit syndical dans les entreprises.
Les fonctionnaires (de l'Etat) avaient, pour leur part, obtenu dans le relevé de conclusions du "Constat Oudinot" (signé le 2 juin 1968 par les sept organisations syndicales représentatives, dont les "Autonomes" de la FGAF) la constitution d'un groupe de travail chargé de fixer les modalités de l'exercice du droit syndical dans les administrations.
Les travaux difficiles, interrompus durant plusieurs mois en 1969, aboutirent cependant un an plus tard.
L'instruction de 1970 et sa transposition
La signature, par le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, de l'instruction n° 10383-SG du 14 septembre 1970 relative à l'exercice des droits syndicaux dans la Fonction publique (de l'Etat), reconnaissait que :
"les organisations syndicales constituent, vis-à-vis des pouvoirs publics, la voie naturelle de représentation des personnels de l'Etat... ".
"le dialogue entre l'administration et les représentants du personnel doit se poursuivre... à l'occasion de contacts directs entre les autorités hiérarchiques responsables, à tous les niveaux, et les délégués des fédérations représentatives de leurs syndicats... ".
Aussi, les facilités reconnues aux organisations syndicales du secteur privé, étaient étendues à la Fonction publique (de l’État), moyennant certains aménagements. Ainsi :
- Dans sa première partie, cette instruction prévoyait que "les organisations syndicales" pouvaient, à l'intérieur des bâtiments administratifs et sous certaines conditions, disposer de locaux, organiser des réunions, utiliser des tableaux d'affichage, distribuer leurs publications et collecter les cotisations.
- Dans sa seconde partie, elle traitait des autorisations spéciales d'absence, ainsi que des dispenses totales ou partielles pouvant être accordées aux représentants syndicaux, tout en continuant à être rémunérés par leur administration.
Ces avancées furent octroyées ou étendues en 1972 :
- aux agents hospitaliers, par une circulaire du ministre chargé de la Santé en date du 27 janvier 1972, complétée par une autre circulaire le 4 juillet 1972 ;
Ces textes ont depuis cédé la place en 1986 :
- à un texte législatif, le chapitre IX (articles 96 à 98) de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, pour les agents devenus des fonctionnaires hospitaliers, du fait du principe constitutionnel de la libre administration des établissements publics,
- à un décret d'application, le décret n° 86-660 du 19 mars 1986, relatif à l'exercice du droit syndical, toujours en vigueur, qui ne présente que peu de différences avec les autres fonctions publiques.