4.2 Fonction publique de l'état
4.2.2 Instances de concertation
4.2.2.a - Le cadre juridique de la participation
La concertation institutionnelle est directement associée à la participation, instituée par les dispositions du 8e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui proclame :
"Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. "
Les apports du statut de 1946
L'idée de participation dans la fonction publique n'a pas été facile à imposer, malgré les apaisements apportés par Maurice Thorez, vice-président du Conseil chargé de la fonction publique, lors de l'élaboration du Statut général.
C'est pourquoi, le 23 mars 1946, dans sa communication au Conseil des ministres, il avait tenu à rassurer ceux qui pensaient qu'il avait la volonté d'affaiblir les prérogatives des ministres et des chefs de service en déclarant que la participation était organisée "selon une forme compatible avec le souci de sauvegarder le pouvoir de décision des autorités responsables".
Et de préciser que les votes auraient lieu dans tous les cas à main levée et que le président des organismes consultatifs avait voix prépondérante en cas de partage des voix.
Aussi, conformément au principe édicté par la Constitution de 1946, la loi n° 46-2294 du 19 octobre, relative au Statut général des fonctionnaires, avait institué trois instances consultatives au sein desquelles devait s'exercer la participation des fonctionnaires :
- le Conseil supérieur de la Fonction publique (art. 19) ;
- les commission administratives paritaires (art. 20, 1°) ;
- les comités techniques paritaires (art. 20, 2°).
Les modifications apportées en 1959
Avec l’avènement de la Ve République, et malgré le maintien du préambule de la Constitution de 1946, il fut procédé à une refonte du Statut général des fonctionnaires, afin de tenir compte des nouvelles dispositions des articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958, fixant les domaines respectifs de la loi et du règlement.
La loi du 19 octobre 1946, relative au Statut général des fonctionnaires, a donc été remplacée :
- par l’Ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959, pour toutes les dispositions considérées comme des garanties fondamentales pour les fonctionnaires (tel était le cas de la participation et des trois instances évoquées supra, maintenues en vigueur par l'article 15, 2e et 3e alinéas) ;
- par des décrets en Conseil d'Etat (dont la plupart ont été signés le 14 février 1959) pour les autres dispositions.
Les dispositions actuelles
En 1981, l’alternance politique avait conduit le nouveau gouvernement à proposer aux organisations syndicales l’élaboration d’un nouveau statut.
Après plus d’un an de négociation, la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires vit le jour, et son article 9 faisait (et fait toujours) figurer la participation au nombre des garanties fondamentales dont bénéficient les fonctionnaires, puisqu'il stipule :
"Les fonctionnaires participent par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l'organisation et au fonctionnement des services publics, à l'élaboration des règles statutaires et à l'examen des décisions individuelles relatives à leur carrière. "
Par ailleurs, au terme de l’article 12 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, les organismes consultatifs au sein desquels s’exerce la participation des fonctionnaires de l’État, définie à l'article 9 du titre Ier du statut général, sont notamment :
- le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État,
- les commissions administratives paritaires (CAP),
- les comités techniques (CT),
- les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Mais la Fonction publique ne disposait pas d'un niveau de concertation où des sujets présentant un intérêt commun aux trois fonctions publiques auraient pu être débattus.
Ces derniers étaient donc discutés, soit de manière cloisonnée au sein de chaque conseil supérieur, soit au sein du seul Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, pour le compte de l'ensemble des agents des trois fonctions publiques.
C'est à cette situation qu'a remédié l'article 5 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 qui, en insérant un article 9 ter dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, a institué une instance de concertation commune aux trois fonctions publiques :
le Conseil commun de la fonction publique
dont le décret d'application n'a été publié que le 31 janvier 2012.
4.2.2.b - Le conseil commun de la fonction publique
Le Conseil commun de la fonction publique a compétence pour examiner toute question d'ordre général commune aux trois fonctions publiques, ou intéressant la situation des agents publics relevant de ces dernières.
Il est saisi, soit par le ministre chargé de la fonction publique, soit à la demande écrite des deux tiers des membres du collège des représentants des organisations syndicales.
L'organisation générale
Le Conseil commun est présidé par le ministre chargé de la fonction publique ou son représentant.
Il comprend trois "collèges" représentant les organisations syndicales (en fonction des résultats obtenus lors des élections professionnelles aux comités techniques), les employeurs territoriaux et les employeurs hospitaliers.
Il comprend aussi des membres de droit et des représentants des administrations et employeurs de l'Etat.
L'avis du Conseil commun de la fonction publique est rendu, lorsque l'avis de chacun des trois "collèges" a été recueilli.
Le CCFP est une instance consultative qui exerce ses attributions en assemblée plénière ou en formation spécialisée.
Les délibérations des différentes formations ne sont pas publiques.
Les questions soumises au Conseil commun de la fonction publique sont, sur décision du président :
- soit inscrites directement à l'ordre du jour de l'assemblée plénière ;
- soit inscrites directement à l'ordre du jour d'une de ses formations spécialisées ;
- soit renvoyées pour étude à l'une de ses formations spécialisées, avant inscription à l'ordre du jour de l'assemblée plénière.
Les attributions exercées en assemblée plénière
Le Conseil commun est obligatoirement saisi pour avis :
- des projets de loi ou d'ordonnance modifiant la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ou dérogeant à cette loi, pour les trois fonctions publiques ;
- des projets de loi, d'ordonnance ou de décret ayant un objet commun aux trois fonctions publiques et ayant une incidence sur la situation statutaire des agents titulaires, ou sur les règles générales de recrutement et d'emploi des agents non titulaires.
Lorsqu'un projet de texte, soumis à l'assemblée plénière, recueille un vote défavorable unanime de la part des membres du collège des représentants des organisations syndicales, le projet de texte fait l'objet d'un réexamen, et d'une nouvelle délibération de l'assemblée plénière.
Le Conseil commun peut aussi examiner toute question commune à au moins deux des trois fonctions publiques comme : les valeurs de la fonction publique, les évolutions de l'emploi public et des métiers, le dialogue social, la mobilité et les parcours professionnels, la formation professionnelle, la lutte contre les discriminations, l'évolution des conditions de travail, l'hygiène, la santé et la sécurité au travail, la protection sociale complémentaire, les retraites dans la fonction publique et enfin, les conséquences des réformes de services publics sur la situation des agents.
Enfin, le Conseil commun débat d'un rapport annuel sur l'état de la fonction publique comportant, en particulier, un état des effectifs des agents publics des trois fonctions publiques.
La consultation du Conseil commun, lorsqu'elle est obligatoire, remplace celle du ou des conseils supérieurs compétents, sauf si leur consultation successive est expressément prévue dans le même texte.
Les attributions exercées en formation spécialisée
En dehors de l'examen des différents cas mentionnés supra, les formations spécialisées se prononcent, au nom du Conseil commun, sur les questions qui leur sont soumises.
Le Conseil commun siège en formation spécialisée :
- pour l'examen des projets de textes mentionnés au § 2 ;
- Pour l'examen des questions relatives aux évolutions de l'emploi public, à la politique des retraites dans la fonction publique et à la connaissance statistique de la situation, de la rémunération et des pensions des agents publics ;
- pour l'examen des questions relatives à l'égalité, à la mobilité et aux parcours professionnels ;
- pour l'examen des questions relatives aux conditions de travail, à l'hygiène, à la santé et à la sécurité au travail.
- Pour l'examen des questions relatives aux modifications de l'organisation et du fonctionnement des services publics au regard de leurs conséquences sur les agents publics.
Toutefois, ces formations peuvent demander, après examen d'une question, son inscription à l'ordre du jour de l'assemblée plénière, à la majorité des deux tiers de leurs membres ayant voix délibérative.
Le président du Conseil commun dispose du même droit, ainsi que le collège des représentants des organisations syndicales de fonctionnaires, à la condition d'être demandé par une majorité des deux tiers de ses membres.
Enfin, en cas de difficulté dans son fonctionnement, le Conseil commun de la fonction publique peut être dissous dans la forme prévue pour sa constitution.